La chambre commerciale de la Cour de cassation s’est récemment prononcée, dans un arrêt du 15 septembre 2015, sur l’appréciation de la durée des relations commerciales en cas de succession de partenaires, suite à une cession de fonds de commerce.
Deux partenaires entretenaient des relations commerciales depuis plusieurs années. L’un deux a ensuite cédé son fonds de commerce à un cessionnaire qui a poursuivi, dans les faits, cette relation mais la rapidement rompue. La question a alors été de savoir, dans le cadre de cette rupture, s’il fallait tenir compte ou non, des relations préalablement entretenues avec le cédant.
L’enjeu était important puisqu’il en allait de l’application de l’article L.442-6 I 5° du code de commerce relatif à la rupture brutale de relations commerciales établies et de l’appréciation du préavis écrit de rupture qui tient compte précisément de la durée des relations.
En l’espèce, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du transporteur en considérant que « […] le préavis dont devait bénéficier [le partenaire, victime de la rupture] n'avait pas à être déterminé en considération de la relation précédemment nouée avec [le cédant du fonds de commerce] ».
La Cour de cassation a relevé, à cet égard, que la reprise des relations commerciales n’est pas de droit dans le cadre d’une cession de fonds de commerce et qu’il convient, dès lors, de chercher si la société cessionnaire a eu effectivement l'intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée par le cédant avec son partenaire commercial. Elle a considéré sur ce point que « […] s'il est établi que la société [cessionnaire] a confié le transport de ses boissons [au même transporteur que le cédant], pendant le temps de la location-gérance puis après l'acquisition du fonds, avant de l'informer, par lettre du 14 avril 2006, qu'elle mettait fin à leurs relations, ces seuls éléments ne permettent pas de considérer que cette société ait eu l'intention de poursuivre la relation commerciale initialement nouée […] ».
Dans ces conditions, le changement de partenaire commercial (du fait de la cession de fonds de commerce) devrait bien souvent, à l’avenir, s’analyser comme une rupture sans préavis (quand bien même, dans les faits, la relation se poursuivrait avec le successeur), ce qui serait susceptible d’engager la responsabilité du cédant.
Les partenaires commerciaux initiaux devraient, dès lors, se montrer davantage vigilants et formaliser, autant que possible, leur « rupture » ou la phase de transition avec le successeur.
Une solution serait à cet égard :
- Soit de rompre officiellement la première relation entre les partenaires initiaux, en respectant un préavis tenant compte de la durée de celle-ci, qui pourrait se terminer au jour de la cession du fonds de commerce, en d’autres termes, du changement de partenaire ;
- Soit de convenir entre le successeur et les partenaires initiaux, par exemple, d’une dispense de préavis avec présentation d’un nouveau partenaire lequel s’engagerait, a minima, pour une durée correspondant à celui-ci ; ou de la reprise et de la poursuite pure et simple de la relation antérieure avec les conséquences qui s’imposeraient alors en cas de rupture (à savoir l’allongement de la durée du préavis).